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Sud-Kivu: 4,500 cas de violence sexuelle au cours de six premiers mois de l'année

MONUC - 27 juillet 2007

Selon le Rapporteur Spécial du Conseil des Droits de l'Homme des Nations Unies chargée de la question de la violence à l'égard des femmes, le Professeur Yakin Ertürk, «la situation dans les deux Kivus est la pire des crises que j'ai rencontrées jusqu'ici ». Madame Ertürk a dénoncé cette situation lors d'une conférence de presse à Kinshasa le 27 Juillet 2007. Selon le Rapporteur Spécial du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies chargée de la question de la violence à l’égard des femmes, le Professeur Yakin Ertürk, «la situation dans les deux Kivus est la pire des crises que j’ai rencontrées jusqu’ici ». Madame Ertürk a dénoncé cette situation lors d’une conférence de presse à Kinshasa le 27 Juillet 2007.


DECLARATION

Du 16 au 27 Juillet 2007, je me suis rendue en visite officielle en République Démocratique du Congo (RDC), à l’invitation du gouvernement. Outre Kinshasa, j’ai visité l’Ituri et les provinces du Sud Kivu et de l’Equateur. Au cours de ma mission, j’ai rencontré de hauts fonctionnaires du gouvernement, y compris le Ministre de la Justice, la Ministre de la Condition Féminine et de la Famille, le Ministre des Droits de l’Homme, le Vice Ministre de la Défense et le Vice Président de l’Assemblée Nationale et des Parlementaires, membres du Réseau Parité Genre.

Je me suis également entretenue avec les autorités locales, des représentants de la société civile, des fonctionnaires des Nations Unies, des survivantes victimes de violences et des prisonniers dans plusieurs prisons du pays.

En raison de la gravité et de l’urgence de la situation dans ce domaine en RDC, ma visite a porté principalement sur la violence sexuelle qui est courante et commise par les groupes armes non-étatiques, les Forces Armées de la RDC, la Police Nationale Congolaise et également par des civiles. Pourtant, la violence sexuelle ne doit pas être séparée des autres formes de violence qui se manifestent dans la famille et la communauté et qui sont, encore aujourd’hui, considérées comme normales par une grande partie de la société congolaise.

Dans un pays comme la RDC, riche en ressources naturelles, la pauvreté est d’autant plus frappante. Le fait que les femmes en supportent le fardeau de manière disproportionnée est une tragédie. La priorité doit être donnée à l’accès des femmes au pouvoir et à l’égalité, tout autant qu’au développement socioéconomique qui doivent faire partie intégrante du processus de reconstruction, si l’on veut qu’une paix juste soit durable on République Démocratique du Congo.

Je présenterai un rapport complet avec mes observations et recommandations au Conseil des Droits de l’Homme qui se réunit à Genève. A ce stade, j’aimerai me limiter à quelques observations préliminaires relatives à la violence à l’égard des femmes dans les régions que j’ai visitées en RDC.

Atrocités sexuelles à Sud Kivu

D’emblée, j’attire l’attention sur la situation alarmante dans la province du Sud Kivu qui nécessite une action immédiate. Dans le cadre de mon mandat, qui concerne la violence contre les femmes, la situation dans les deux Kivus est la pire des crises que j’ai rencontrées jusqu’ici.

La Synergie Provinciale du Sud Kivu sur la violence sexuelle, organe qui rassemble des représentants du gouvernement, des Nations Unies et de la société civile, a déjà enregistré 4,500 cas de violence sexuelle au cours de six premiers mois de l’année. Le nombre réel de cas est sans aucun doute beaucoup plus élève : la plupart des victimes vivent dans des régions inaccessibles, ont peur de porter plainte ou n’ont pas survécu à la violence.

La plupart des cas de violence sexuelle au Sud Kivu, d’après nos informations, sont perpétrés par des groupes armés étrangers non-étatiques. Certains de leurs membres semblent avoir été impliqués dans le génocide ruandais et avoir fuit ensuite vers la RDC. Opérant dans la forêt, ces groupes armés attaquent les communautés locales, pillent, violent, emmènent les femmes et les filles comme esclaves sexuelles et les soumettent au travail forcé.

Les atrocités perpétrées par ces groupes armés sont d’une brutalité inimaginable, qui va bien au-delà du viol. Le viol et l’esclavage sexuel sont au cœur de ces atrocités qui visent la destruction physique et psychologique complète des femmes, avec toutes les conséquences que cela entraine pour l’ensemble de la société. A de nombreux égards, ces atrocités rappellent celles commises par l’Interahamwe pendant le génocide ruandais.

Les femmes sont soumises à des viols collectifs brutaux, souvent devant leur propre famille ou leur communauté toute entière. Dans de nombreux cas, les hommes de la famille sont contraints, sous la menace d’une arme, de violer leur propre fille, leur mère ou leur sœur. Après le viol, il est fréquent que les bourreaux tirent au fusil dans l’appareil génital de la femme ou qu’ils la poignardent dans cette partie de son corps. Plusieurs femmes, qui ont survécu a des mois d’esclavage, m’ont raconté que leurs tortionnaires les avaient forcées à manger les excréments ou la chair des membres de leur famille assassinés.

L’hôpital de Panzi, une institution spécialisée à Bukavu (Sud Kivu) reçoit chaque année près de 3,500 cas des femmes souffrant de fistules et d’autres blessures gynécologiques graves résultant de ces atrocités sexuelles. A l’hôpital, j’ai parlé avec une petite fille de 10 ans, qui avait été enlevée avec ses parents. Elle a du subir une opération d’urgence, après que les tortionnaires aient brutalement enfoncé un bâton dans ces organes génitaux.

Jusqu’à ce jour les FARDC se sont montrées incapables de mettre fin aux atrocités dans le Sud Kivu, qui sont massivement commises depuis plusieurs années. La communauté internationale, en coopération avec le gouvernement congolais, doit immédiatement assumer sa responsabilité de protection et s’impliquer à tous les niveaux pour mettre fin à ses atrocités.

Violence sexuelle perpétrée par l’armée et la police

Les FARDC, la Police Nationale Congolaise (PNC) and les autres forces de sécurité de l’état continuent de commettre des actes de violence sexuelle. Au Sud Kivu et en Ituri, alors que les groupes armés non-étatiques restent les acteurs principaux de la violence sexuelle, près de 20% de tous les cas de violence sexuelle, d’après les rapports dont nous disposons, sont commis par les FARDC et la PNC.

D’après nos informations, certaines unités des FARDC prennent délibérément comme cible les communautés civiles qui sont soupçonnées d’appuyer les milices et pillent, violent massivement et dans certains cas tuent des civils. Des soldats ou des policiers, individuellement, commettent eux aussi de tels actes, se considérant au dessus de la loi. Ces actes constituent des crimes de guerre et, dans certains cas des crimes contre l’humanité. Le droit international fait obligation au gouvernement de traduire en justice tous les criminels, y compris ceux qui détiennent la responsabilité de commandement.

La violence sexuelle commise par les forces de sécurité de l’état n’est pas limitée aux zones de conflit armé à l’Est du pays. Le problème est aggravé par le fait que le processus d’intégration des anciens miliciens dans les forces armées régulières ne comporte pas de mécanisme permettant d’exclure des forces armées les coupables des violations les plus graves en matière des droits de l’homme. A cause de cela, un certain nombre de ces hommes ont aujourd’hui un rang élevé dans les FARDC.

Dans la province de l’Equateur, j’ai été profondément choquée d’apprendre qu’il est fréquent que, en cas de troubles civils, la PNC et les FARDC mènent des opérations armées de représailles organisées qui prennent pour cible la population civile et pillent, torturent et violent massivement sans discrimination aucune. En décembre 2006, par exemple, la PNC a rassemblé près de 70 officiers de police de différents postes de toute la région après qu’un commissariat ait été incendié à Karawa. Les officiers de la PNC ont mis la ville à sac, torturé des civils et violé au moins 40 femmes, dont une petite fille de 11 ans.

A ce jour, aucun policier n’a été mis en accusation ou en état d’arrestation à cause des ces atrocités à Karawa. Selon certaines allégations, les FARDC ont effectué des opérations punitives similaires contre la population civile à Bonyanga (120 km au sud ouest de Gemena) en avril 2007 et à Bongulu (90 km au nord de Bumba) en mai 2007.

Violences sexuelles perpétrées par des civils

Les civils commettent de plus en plus souvent des violences sexuelles. D’après les rapports dont nous disposons, certains de ces crimes impliquent des miliciens démobilisés, qui n’ont bénéficié d’aucune prise en charge psychosociale au cours du processus de réinsertion.

Plus grave encore, l’utilisation massive de la violence sexuelle pendant le conflit armé semble être devenue l’une des manifestations courantes de l’oppression généralisée des femmes en RDC. Ces types de comportement vont donc se perpétuer à l’avenir – quelque soit la situation sécuritaire – si le gouvernement et la société n’ont pas la volonté de faire un réel effort pour changer de manière fondamentale les relations actuelles entre les hommes et les femmes qui dévaluent la femme et la placent dans une situation de sujétion.

En premier lieu, l’Assemblée Nationale peut jouer un rôle clé en menant à bien des reformes juridiques évidentes. Par exemple, le Code de la Famille place concrètement la femme sous la tutelle de son mari comme si elle était mineure. Alors que la constitution prévoit la parité de genre, une loi sur la parité de genre mettant en œuvre l’article 14 de la Constitution n’a pas encore été adoptée.

Impunité

En juillet 2006, le parlement congolais a adopté la Loi sur les Violences Sexuelles, qui prévoit l’alourdissement des peines et des procédures pénales plus efficaces. Cependant, très peu des mesures concrètes sont prises par les autorités pour appliquer la Loi et les coupables continuent de jouir de l’impunité, particulièrement s’ils portent un uniforme de l’état.

L’état du système judiciaire est déplorable. Il est dépassé, même s’il n’y a qu’un petit nombre des cas, dans lesquels les femmes ont le courage de porter plainte pour violence sexuelle en bravant tous les obstacles. Les cas de corruption ou d’ingérence politique dans le processus judiciaire sont courants d’après les informations dont nous disposons. Dans les cas impliquant les FARDC ou la Police, des officiers de rang supérieur protègent, toujours d’après nos informations, les hommes qui sont sous leur commandement et empêchent délibérément les enquêtes et les poursuites. Les coupables de viols massifs et d’autres crimes contre l’humanité restent ainsi impunis.

Il est vrai que certains fonctionnaires consciencieux font preuve de la volonté de faire respecter la loi et à ceux-là je rends un hommage admiratif. Par exemple, en février 2007 le Tribunal Militaire de la Garnison de l’Ituri a condamné 15 officiers et soldats qui avaient participé au massacre impliquant les FARDC dans le village de Bavi en Ituri. Le commandant de l’unité responsable a également été condamné pour viol ; le Tribunal a prononcé sa condamnation à la prison à perpétuité. Cependant, de tels jugements représentent une exception à la règle de l’impunité, qui prévaut en RDC.

Etat du système pénitentiaire

Les coupables de graves violations des droits de l’homme, qu’ils soient condamnés ou en détention préventive, semblent n’avoir aucun mal à s’évader de prison. Le système pénitentiaire se trouve dans un état scandaleux. J’ai été heureuse d’entendre le Ministre de la Justice annoncer que le gouvernement envisage une reforme complète du système pénitentiaire.

Dans les prisons que j’ai visitées, on était loin du respect des normes les plus élémentaires relatives au traitement humain des prisonniers. A l’exception de la prison de Makala à Kinshasa, aucune prison ne reçoit de fonds de l’état pour l’alimentation des détenus. Il en résulte que certains directeurs n’ont pas d’autre solution que d’autoriser les détenus à sortir de la prison pendant la journée pour aller chercher de la nourriture et de l’eau potable.

Dans de nombreux cas d’ »évasion », on a des raisons de penser que les détenus ont simplement quitté la prison avec la complicité de leurs supérieurs. Par exemple, en avril 2006 le Tribunal Militaire de la Garnison de Mbandaka a condamné à la prison à vie sept officiers des FARDC coupables de crimes contre l’humanité. Ces officiers faisaient partie d’un groupe de soldats des FARDC qui ont violé au moins deux cents femmes et filles à Songo Mboyo (Equateur) à la fin du mois de décembre 2003. Depuis, les sept coupables se sont évadés de la prison dans des circonstances extrêmement douteuses.

Prise en charge insuffisante des victimes

Beaucoup des victimes de viol deviennent victime une deuxième fois quand elles sont rejetées par leur propre communauté, famille ou mari, à cause de la stigmatisation attachée au viol, alors que les violeurs profitent de leur impunité. Privées de tout réseau de prise en charge sociale, ces femmes se trouvent dans un dénuement extrême et se battent pour simplement survivre. La gravité du problème est renforcée par le fait que la plupart des survivantes souffre de graves problèmes médicaux et psychologiques. Le sort réservé aux bébés issus de ces viols est un préoccupation grave qui n’a jamais donné lieu à une réaction appropriée.

Les Synergies Provinciales sur la Violence Sexuelle, composées de fonctionnaires locaux dévoués, de membres de la société civile et de l’ONU, ont lancé des programmes qui visent à fournir aux victimes la prise en charge nécessaire sur le plan médical, psychosocial, juridique et économique. Cependant, ces initiatives louables doivent répondre à toute une série des besoins avec les fonds limités mis à disposition par les bailleurs de fonds internationaux.

Dans un très petit nombre de cas, dont les atrocités commises par des soldats des FARDC à Songo Mboyo et à Bavi, les tribunaux ont condamné les coupables ainsi que l’état congolais à payer une modeste indemnisation aux victimes. A ce jour, le gouvernement n’a jamais versé une indemnisation à aucune victime de violence sexuelle commise par un agent de l’état.


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