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Les évêques catholiques se prononcent sur les élections

CENCO - 13 janvier 2012
Les évêques catholiques de la RDC
(Photo d'archives)
Message de l’Assemblée plénière extraordinaire de la CENCO aux fidèles catholiques et à l’ensemble du peuple congolais

Introduction

1.  En ce début de l’année 2012, que Dieu bénisse le peuple congolais et qu’il le garde ! Qu’il lui montre un visage bienveillant et plein de grâce ! Que Dieu lui manifeste sa bonté et qu’il lui accorde la paix ! (cf. Nb 6, 24-26).

2.  Réunis en Assemblée plénière extraordinaire à Kinshasa du 09 au 11 janvier 2012, Nous, Cardinal, Archevêques et Evêques, membres de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO), avons, dans un travail concerté, analysé le rapport d’observation électorale menée par notre Eglise. Dans la prière et dans la foi en l’avenir heureux de notre pays, nous adressons ce message à nos fidèles et à l’ensemble du peuple congolais pour tirer des leçons du processus électoral en cours.

Acquis du processus électoral

3. Nous saluons la détermination de notre peuple qui, le 28 novembre 2011, a fait preuve de maturité et de civisme en se rendant nombreux aux urnes et parfois dans des conditions pénibles pour désigner souverainement ses gouvernants. Nous félicitons notre Gouvernement qui a réussi à financer en grande partie ces élections. Cela montre que nous pouvons réussir la construction de notre pays si nous y mettons les moyens et la bonne volonté. Nous ne saurions taire les efforts déployés par la CENI pour réussir, d’un point de vue logistique, le déploiement des matériels électoraux en bravant bien des défis dans notre vaste pays aux infrastructures de communications défectueuses. Nous félicitons également tous les observateurs et témoins électoraux qui ont consenti de multiples sacrifices pour remplir leur tâche.

Défaillances

4. Cependant, le traitement du fruit de ce travail a déçu plus d’un congolais. Dans notre message du 25 février 2011, intitulé « Année électorale : Que devons-nous faire ? (Ac 2, 37) », nous souhaitions vivement que ces élections  se déroulent dans la transparence, la vérité et la paix afin d’inscrire notre pays dans le registre des nations respectables et dignes[1]. Dans l’Appel du 3 décembre 2011, la CENCO, tout en rappelant qu’elle n’avait pas pour objectif de publier des résultats que, par ailleurs, sa mission d’observation électorale n’a pas, invitait le peuple congolais, les acteurs politiques et la CENI à s’en tenir impérativement à la vérité des urnes. Dans la Mise au point de son Secrétariat général, le 8 décembre 2011, la CENCO a relevé des éléments positifs du processus électoral mais aussi elle a épinglé des irrégularités et des faiblesses  inquiétantes. C’est dans cette même logique que, le 12 décembre 2011, s’inscrivait la Déclaration du Cardinal Archevêque de Kinshasa qui,  au vu de ces irrégularités et faiblesses, a  dénoncé la non conformité à la vérité et à la justice des résultats provisoires publiés par la CENI.

5.  Aujourd’hui, il ressort du  rapport final de la mission d’observation électorale de la CENCO et des témoignages recueillis de divers diocèses et d’autres sources que le processus électoral s’est déroulé, à beaucoup d’endroits, dans un climat chaotique. L’on a noté plusieurs défaillances, des cas de tricheries avérées et vraisemblablement planifiées, de nombreux incidents malheureux entraînant mort d’homme, des cafouillages, et, à certains endroits, un climat de terreur entretenu et exploité à dessein pour bourrer les urnes. Ce n’est pas tout. Ce qui se passe présentement au niveau de la compilation des résultats des élections législatives est inacceptable. C’est une honte pour notre pays.

6.  Eu égard à ce qui précède, nous estimons que le processus électoral a été entaché de graves irrégularités qui remettent en question la crédibilité des résultats publiés. Nous demandons aux organisateurs d’avoir le courage et l’honnêteté de tirer les conséquences qui s’imposent. Car, reconnaître ses erreurs est une preuve de grandeur. Mais si l’on prend le risque de continuer à gouverner le pays par défi, les tensions intérieures plus ou moins maîtrisées à court terme culmineraient, tôt ou tard, dans une crise grave et difficile à dénouer. Il est donc indiqué que dans une démarche inclusive, l’on privilégie la voie du dialogue pour l’intérêt supérieur de la nation congolaise. C’est l’heure du courage de la vérité.

Notre mission prophétique

7. Fidèles à notre mission de guetteurs pour le peuple de Dieu (cf. Ez 3, 17), nous dégageons de ce processus plusieurs défis à relever pour l’avenir en vue de l’avènement d’un Etat de droit en RD Congo et pour le bien-être de sa population. Ce faisant, nous n’entendons pas prendre en main la bataille politique pour édifier une société la plus juste possible. Nous ne plaidons pas non plus pour un parti politique. Comme le recommande le Pape Benoît XVI, « l’Eglise ne peut ni ne doit se mettre à la place de l’Etat, mais elle ne peut et ne doit non plus rester à l’écart dans la lutte pour la justice»[2]. C’est pourquoi,  « dans son rôle prophétique, chaque fois que le peuple crie vers elle : «Veilleurs où en est la nuit » ? (Is 21, 11), l’Eglise désire être prête à rendre raison de l’espérance qu’elle porte en elle (cf. 1P 3, 15) car une aube nouvelle pointe à l’horizon (Ap 22, 5) »[3]. Et nous faisons nôtre cet appel du Pape Benoît XVI, « A cause du Christ et par fidélité à sa leçon de vie, notre Eglise  se sent poussée à être présente là où l’humanité connaît la souffrance et à se faire l’écho du cri silencieux des innocents persécutés, ou des peuples dont des gouvernements hypothèquent le présent et l’avenir au nom d’intérêts personnels »[4].

8.  A cet effet, nous ne nous lasserons pas de dénoncer tout ce qui met en péril l’édification d’un Etat démocratique. L’on ne construit pas un Etat de droit dans une culture de tricherie, de mensonge et de terreur, de militarisation et d’atteinte flagrante à la liberté d’expression. Si la démocratie est un pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple, l’on doit respecter ce peuple. Dans le contexte actuel, le peuple meurtri et frustré, assiste impuissant à un processus qui ne reflète toujours pas sa volonté et qui s’apparente par endroits à un arrangement entre certains  acteurs politiques.

La paix dans la vérité

9. « L’Eglise a une mission de vérité à remplir, une mission impérative, c’est un service rendu à la vérité qui libère »[5]. Le processus électoral devrait permettre la consolidation de la culture démocratique et la pacification du pays. Nous voulons la paix. Mais, celle-ci a des exigences auxquelles l’on ne saurait déroger, notamment la vérité, la justice et le respect du peuple. C’est au nom de la paix que l’Eglise ne cesse d’inviter les dirigeants congolais à la justice et à l’amour de la vérité. De quelles valeurs en effet sera pétrie notre jeunesse si, à longueur de journée, on ne lui offre que le spectacle d’antivaleurs ?

Atteinte à l’intégrité et à la dignité des personnes

10. Dans ce contexte, nous condamnons la campagne orchestrée publiquement contre le Cardinal. Ce déferlement d’injures a choqué aussi bien les fidèles catholiques que d’autres personnes. Il atteste l’émergence d’une pensée unique qui tend à museler toute opinion contraire. De même, nous condamnons les insultes et les menaces à l’endroit du Président de la CENCO. Nous rappelons que le débat d’idées en démocratie n’autorise pas des attaques personnelles.

11. Nous ne pouvons pas nous taire devant ces dérives et bien d’autres que nous désapprouvons: des menaces physiques, des atteintes aux droits humains, des enlèvements et des intimidations, la confiscation des moyens publics de communication par une famille politique. A cause de leurs opinions, des Evêques, des ecclésiastiques et des paisibles citoyens ont été et restent encore victimes de ces menaces.

12. Nous invitons nos fidèles catholiques et le peuple congolais dans son ensemble à la non-violence car la violence appelle la violence. Elle engendre la destruction et la misère. En ce sens, nous demandons à nos compatriotes vivant à l’étranger, avec qui nous partageons le souci pour un Congo nouveau, et dont nous reconnaissons les sacrifices qu’ils endurent pour venir en aide à ceux qui sont au pays, de ne pas recourir à la violence et de trouver les voies pacifiques pour apporter leur contribution à la construction d’un Congo réellement démocratique. A l’exemple de notre divin Maître, nous devons répondre à la violence par l’amour (cf. Mt 5, 43-44).

Recommandations

13.  Nous recommandons :

-   Au Peuple congolais tout entier, de ne céder ni au pessimisme, ni au désespoir, ni à la violence, ni au tribalisme, ni à la xénophobie mais, de s’unir autour des valeurs chrétiennes et démocratiques de justice et de vérité, de croître dans la conscience de son unité nationale et de son pouvoir de souverain primaire afin de l’exercer en toute vigilance et dans la légalité ;

-   Aux Acteurs politiques, de faire preuve de maturité politique, d’avoir la capacité de s’organiser pour assumer pleinement leur responsabilité; d’élever le débat politique en mettant fin à des injures et des mensonges et en se souciant de l’éducation civique de la population et de son bien-être;

-   A l’Equipe actuelle de la CENI, d’avoir le courage de se remettre en question, de corriger impérativement les graves erreurs fustigées qui ont entamé la confiance de la population en cette institution, sinon de démissionner ;

-   Au Parlement, de revoir de toute urgence la composition de la CENI qui ne jouit plus de la confiance de la population et d’y intégrer la représentation de la Société civile pour plus d’indépendance; en outre, de se réaliser que le peuple n’admettra aucune tentative de modifier les articles verrouillés de la Constitution ;

-   Au Gouvernement, de tirer des leçons de cette débâcle électorale, de prévoir les moyens pour les élections à venir et de les libérer à temps pour un meilleur déroulement ; d’arrêter de puiser dans le trésor public pour des intérêts personnels et de prendre conscience que le peuple veut le changement;

-  A la Police nationale et aux Forces armées, de faire preuve de professionnalisme, de protéger la population et surtout de ne pas obéir aux ordres injustes;

- A la Cour Suprême de Justice, de dire le droit en conscience et en toute indépendance dans le traitement des contentieux électoraux. Car, il en va de la crédibilité du Pouvoir judiciaire dans notre pays ;

-   A la Communauté internationale, de privilégier l’intérêt du peuple congolais, de ne pas être complaisante, d’appuyer le peuple congolais dans sa recherche de la justice et de la paix et de le respecter dans son auto-détermination.

Conclusion

14.  Notre pays traverse à l’heure actuelle un temps d’incertitude et d’angoisse. Notre foi en Dieu et notre confiance en l’homme, créé à l’image de Dieu, nous convainquent que cette incertitude et cette angoisse peuvent être dépassées moyennant un changement de cœur, de mentalité et de pratiques. Il faut l’amour du pays, la volonté de renoncer à des intérêts égoïstes pour rechercher, dans le dialogue, les voies pour bâtir la paix en  RD Congo. Mais la paix que nous voulons, est celle qui trouve sa source dans la justice et l’amour de la vérité. Car, la paix des hommes qui s’obtient sans la justice est illusoire et éphémère. La justice des hommes qui ne prend pas sa source dans la réconciliation par la vérité de l’amour demeure inachevée. C’est l’amour et le courage de la vérité qui tracent le chemin de la   justice et de la paix véritables, celle que nous voulons pour la RD Congo.

15. Que la prière de la Très Sainte Vierge Marie, Reine de la paix et Notre-Dame du Congo, dont le cœur est toujours orienté vers la volonté de Dieu, soutienne toute volonté de conversion, qu’elle consolide toute initiative de réconciliation, de dialogue et affermisse tout effort en faveur d’un Congo  qui a faim et soif de justice et de paix.

Fait à Kinshasa, le 11 janvier 2012


[1] Cf. CENCO, Année électorale : Que devons-nous faire ? (Ac 2,37), n° 23.

[2] Benoît XVI, Lettre encyclique Deus caritas est, n° 28.

[3] Benoît XVI, Exhortation apostolique post-synodale Africae munus, n° 30.

[4] Benoît XVI, Exhortation apostolique post-synodale Africae munus, n° 30.

[5] Benoît XVI, Exhortation apostolique post-synodale Africae munus, n° 22.


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