La vérité sur l'assassinat du vice-président de l'Assemblée provinciale de la ville de Kinshasa, Daniel Botethi, éclatera peut-être ce mardi 5 août. Assassinat ou meurtre ? Seules les déclarations du prévenu Patrick Mwewa seront déterminantes pour l'issue de ce procès.
A l'audience du jeudi 17 juillet, Patrick Mwewa avait provoqué un véritable suspense. Non seulement les juges, mais toutes les parties au procès et le public, étaient restés dans l'expectative.
Pour une fois, le tribunal militaire, qui se veut répressif, a été tolérant. Car, le prévenu Patrick Mwewa, soldat de son état et blessé au moment de l'agression du député Botethi, venait de faire une révélation inattendue et spectaculaire : « Le commanditaire de l'assassinat, je le connais. C'est une autorité publique, membre du gouvernement ». Malgré l'insistance du tribunal, l'homme a laissé tout le monde sur sa soif, exigeant d'abord des garanties pour sa sécurité. Demande accordée avec toutes les assurances du tribunal.
Douze heures plus tard, Patrick Mwewa déliait sa langue. Ces paroles inattendues ont fait sursauter l'assistance : « Le commanditaire, je le cite : c'est le gouverneur de la ville de Kinshasa ». Mwewa Kibwe, spécialiste en lance-roquettes, venait de faire mouche. Et Kinshasa entra en ébullition. Surtout que la veille, le prévenu avait juré de confondre le commanditaire de cet assassinat si jamais le tribunal organisait une confrontation. Ce moment est enfin arrivé.
Certes, à l'audience du 18 juillet, Patrick Mwewa avait nuancé ses propos en incriminant le soldat Kady Munungu qui traitait, selon lui, directement avec les émissaires du gouverneur. Le lundi 28 juillet 2008, Kady en cavale et qui passe encore pour la pièce maîtresse de ce procès, tombait dans les mailles de la Police nationale avant d'être déféré devant le tribunal. A cette audience, il a tout nié.
Le maire de Kinshasa cité à comparaître était là aussi, accompagné de tout son gouvernement et des membres du bureau de l'Assemblée provinciale. Malheureusement, Patrick Mwewa était absent. Car, il venait de subir une nouvelle intervention chirurgicale.
CONFRONTATION- VERITE
En date du mardi 29 juillet, toujours pas de Patrick Mwewa à l'audience. Répondant aux questions du tribunal à cette audience-là, Kady a déclaré n'avoir jamais connu un certain Patrick Mwewa dans sa vie. Il a même nié sa participation dans les événements qui ont entraîné le décès du député Botethi. « Cette histoire-là, je ne la connais pas », a-t-il répondu au tribunal.
Sauf imprévu, c'est ce mardi 5 août que les juges vont tenter de résoudre l'énigme avec la confrontation entre André Kimbuta et Patrick Mwewa. Déjà sur pied, P. Mwewa sera certainement à l'audience pour faire avancer le débat. S'il arrive à prouver ses relations avec Kady, ce serait pour lui un point de gagné.
Dès cet instant, la Cour s'emploiera à établir un lien avec le meurtrier physique de Daniel Botethi. Serait-ce Kady Munungu, Patrick Mwewa, ou le garde du corps qui aurait tiré, soit par mégarde, soit par complicité ? Et si Kady arrive à prouver qu'il n'était pas avec Patrick Mwewa la nuit du meurtre du député Botethi, ce dernier restera seul présumé coupable.
Mais, c'est surtout sa confrontation avec le gouverneur Kimbuta qui est la plus attendue. Dans le cas où il parvenait à convaincre le tribunal du lien avec le gouverneur de Kinshasa, le procès prendra une autre tournure au regard du changement de statut du «présumé commanditaire ». De renseignant (témoin non assermenté) il deviendra accusé. Car, dénoncé, comme l'avait reconnu à l'audience du 29 juillet, son avocat, le bâtonnier Matadiwamba. Dans ce cas de figure, vu la procédure de flagrance, André Kimbuta sera forcé de se débarrasser de sa peau de gouverneur afin de se défendre sur le même pied d'égalité que l'homme qui l'a dénoncé.
Mais en cas de rétractation de Patrick Mwewa, donc pas de lien, ce serait le gouverneur qui en sortirait agrandi. Face à cette éventualité, il n'hésitera certainement pas à porter plainte pour dénonciation calomnieuse et imputation dommageable contre le prévenu qui l'a chargé pour le préjudice moral subi. Déjà à l'audience du 29 juillet, le gouverneur Kimbuta n'a pas caché ses intentions en proclamant son innocence, ignorant tout des faits qui l'accablaient.
Quant à Patrick Mwewa, dont la prévention d'association de malfaiteurs a déjà été démontrée par le ministère public, il en tirera toutes les conséquences devant le tribunal. A moins que ce préjudice soit réparé par son civilement responsable : l'Etat congolais.
Toujours dans cette hypothèse, Patrick Mwewa pourrait aussi dire avoir tenu ces propos sous l'effet hallucinogène de l'anesthésie. Dans le cas où il parvenait à convaincre le tribunal là-dessus, son cas pourrait être aligné dans la catégorie des personnes ayant perdu leur lucidité suite à l'administration des substances médicamenteuses. Donc, non responsables de leurs actes.
Et si Patrick Mwewa ne se présentait pas ? Tout sera décalé sur la prévention de meurtre, tandis que celle d'association de malfaiteurs ne sera pas complètement examinée. D'où André Kimbuta Yango, gouverneur de la ville de Kinshasa, devra encore prendre son mal en patience et attendre avant d'être définitivement fixé sur son sort.