Selon les dispositions de la Constitution, la décentralisation devrait être mise en place dans les trois années qui suivent les élections. Or, le débat sur l'examen et le vote du projet de loi sur la décentralisation à l'Assemblée nationale démontre qu'il n'est pas possible de passer à la décentralisation pendant cette législature. Il faut plusieurs autres lois d'accompagnement. A ce propos, les députés n'arrivent pas à accorder leurs violons entre la décentralisation progressive et celle immédiate.
La décentralisation, pourtant prévue dans la Constitution du 18 février 2006, est dans l'impasse. A la suite de l'exposé présenté à l'Assemblée nationale par le ministre de l'Intérieur, Décentralisation et Sécurité, Dénis Kalume, le débat sur l'examen et le vote du projet de loi sur la décentralisation démontre qu'il n'est pas possible de passer à la décentralisation pendant cette législature.
Les difficultés sont réelles et les solutions ardues. Il faudra élaborer plusieurs autres lois d'accompagnement (au moins onze) pour faire appliquer la loi sur la décentralisation. « Nous devons léguer à la nation et à la progéniture une loi efficace, pour ne pas manquer le rendez-vous avec l'histoire », a déclaré le président de la chambre basse du Parlement, Vital Kamerhe. Il se pose un sérieux problème de fonctionnement des provinces et des entités territoriales décentralisées, de la répartition des compétences, de mécanismes de contrôle? et surtout du pouvoir de tutelle « non prévu » dans la Constitution. Ce qui, selon plusieurs députés, constituent une violation flagrante de celle-ci.
Par contre, certains experts estiment qu'il ne peut y avoir de décentralisation sans tutelle, à moins de faire l'amalgame avec le fédéralisme. Si la centralisation se caractérise par le pouvoir hiérarchique, « la décentralisation l'est par le pouvoir de tutelle », qui permet au pouvoir central de maintenir l'unité et la cohésion du pays. C'est aussi pour éviter d'ouvrir la voie aux forces de séparation, et pour assurer l'unité d'interprétation de la loi sur l'ensemble du territoire. Mais, la tutelle est toujours prévue par une loi.
En tout état de cause, le défi majeur de la décentralisation est de rétablir la confiance des citoyens en la capacité de nouvelles institutions à imprimer une nouvelle démarche de développement, où « le citoyen est acteur et non sujet de développement de sa localité ». Il s'agira aussi de cultiver et pérenniser l'attachement des citoyens aux valeurs républicaines qui sont, entre autres, le respect de l'autorité de l'Etat et du bien public, la tolérance, la solidarité, et le civisme politique au maintien de la cohésion sociale et de la paix. Ceci exige, pour ce faire, plus de technicité et de méritocratie intellectuelle, en élevant le débat.
APPLICATION IMPOSSIBLE
Les « blocages » auxquels on assiste aujourd'hui sont sans doute la conséquence d'une précipitation dans l'élaboration et adoption des lois en RDC. En occurrence, la Constitution qui avait été soumise au référendum populaire sur fond du triomphalisme d'un camp par rapport à un autre, même si tout le monde savait pertinemment bien (nous l'espérons) que le peuple congolais n'avait pas suffisamment pris connaissance de son contenu. Rien d'étonnant que certaines dispositions nous retombent aujourd'hui sur la tête.
Il n'y a point de doute. Tout le monde est conscient de difficultés de faire appliquer, dans l'immédiat, la loi sur la décentralisation : manque de lois d'accompagnement. Même dans le cas où l'Assemblée arriver à adopter toutes ces lois « à la vas-vite », la décentralisation risque de ne pas être au rendez-vous pendant cette législature. Aussi, en y ajoutant d'autres structures « budgétivores », il se pose un problème notamment du découpage et de la répartition des finances. Ici, le ministre parle de la « rétrocession » alors que les gouverneurs, eux, veulent la « retenue à la source ». D'ailleurs, au cours des débats, plusieurs députés ont carrément jeté ce projet de loi à la figure du ministre Kalume, le qualifiant de « bâclé, incompétent, mitigé? ».
En définitive, les conditions de mise en ?uvre de la décentralisation dépendront, entre autres, de la fonctionnalité du système de transfert des compétences et ressources, de la disponibilité des moyens de mise en ?uvre, des réformes engagées pour développer la fonction publique provinciale et locale dans le cadre de la réforme de la fonction publique.
Par RICH NGAPI