Mutombo Bakafwa Nsenda est convaincu que les Hauts Magistrats sortants ont déserté leurs bureaux. Il préconiserait de recourir, dans ce cas, à l'autorité publique pour trancher. Entre-temps, M. Tinka Manyire, Premier Président de la Cour Suprême de Justice, et Mushagalusa, Procureur Général de la République, tous deux nouvellement nommés, s'inquiètent. Depuis le 9 février dernier, jour de la publication des ordonnances présidentielles, voici onze jours de paralysie quasi généralisée de l'appareil judiciaire du pays. Et la grève se poursuit. Où est Kabila ?
A tâtons, l'entrée en fonction des Hauts Magistrats nommés au terme de récentes ordonnances présidentielles, tire en longueur. Les inquiétudes et l'impatience sont désormais lisibles sur les visages. Tinka Manyire, le tout nouveau Premier Président de la Cour Suprême de Justice, ne se voile plus la face. La main sur le c?ur, il a dit à la radio Okapi ceci : « jeudi passé, je suis venu, je suis resté ici, on disait chaque fois que les éléments n'étaient pas encore au point et depuis lors, j'attends. On me dit toujours que ce n'est pas encore prêt. Vendredi passé, j'étais ici toute la journée mais lui n'était pas là. Je ne sais pas affirmer ou infirmer s'il a reçu une notification ». Même son de cloche du côté du Parquet Général. Mushagalusa Ntayondeza, le nouveau Procureur Général de la République, constate simplement que son prédécesseur ne vient plus au service.
Vers l'impasse ?
Depuis samedi 9 février dernier, jour de la publication de ces ordonnances présidentielles, les magistrats retraités sont engagés dans une farouche résistance. Tel un bras de fer avec Kabila, le Chef de l'Etat, ils ne veulent pas entendre parler de la remise-reprise. Leur attitude, du reste, justifiée par une action de grève généralisée d'une semaine initiée par le Synamag, l'un des principaux syndicats des magistrats en RD. Congo, plonge l'appareil judiciaire du pays dans une totale impasse. Voici onze jours que cela dure. Et, à l'allure où vont les choses, les violons ont du mal à s'accorder. Le pouvoir exécutif, par le biais du Ministre de la Justice et des Droits Humains, campe sur ses positions. « Pas question de rapporter les ordonnances présidentielles. Aux nouveaux hauts magistrats de faire respecter l'esprit et la lettre de ces ordonnances. Il n'y a pas eu violation de la Constitution, ni des Statuts des Magistrats », affirmait Mutombo Bakafwa Nsenda, le week-end passé à la presse. « Non », rétorque Sambayi, le Président de Synamag, ces ordonnances présidentielles ont « violé » la lettre et l'esprit de la Constitution de la République et des Statuts des Magistrats en ce qu'elles ont été signées en l'absence des avis motivés du Conseil Supérieur de la Magistrature dont la loi est en seconde lecture au Sénat.
Les justiciables abandonnés
Ce débat aussi juridiquement exaspérant qu'il puisse être est de nature à ne pas faciliter la tâche aux justiciables qui, du coup, sont abandonnés à eux-mêmes. D'ailleurs, il peut durer toute une éternité. C'est comme si l'on se mettait à chercher le sexe des anges dans la nature ou la société. Cela dépend du côté où l'on est. S'il s'agit du Ministre de la Justice : « Dura lex, sed lex », entendez-là : « la loi est dure mais c'est la loi ». Seule le recours à l'autorité publique départagera les hauts magistrats entrants et sortants. Tandis que le Président a déjà tiré son épingle du jeu en signant ces ordonnances qui augurent une ère nouvelle ; celle d'une justice équitable. D'où, l'idée de la réforme immédiate est la voie obligée. De l'autre côté, c'est-à-dire, de ceux qui sont retraités, la version juridique développée est tout à fait autre. La violation n'a pas de place en ce qui concerne les textes des lois du pays, à savoir, la Constitution et les Statuts des Magistrats. Le Président doit se raviser et rapporter ses ordonnances. Alors, dans ces conditions, que va-t-il se passer ? Les sages, prenant la mesure de ce débat, conseilleraient plutôt, la modération et le rapprochement des vues. Comment y arriver ? Ce n'est pas impossible. Il suffit d'établir un dialogue avec les magistrats retraités. Et le Président Kabila n'y perdrait rien s'il les recevait, soutient-on.
Marcel Ngoyi